Les registres de délibérations des sociétés politiques de Charlieu (1791-1795), par Paul Chopelin (2005)

Les registres de délibérations des sociétés politiques de Charlieu, première partie

Paul Chopelin (éd.), Sources et documents pour l’histoire du pays de Charlieu. Les registres de délibérations des sociétés politiques de Charlieu (1791-1795), Charlieu, Association pour la connaissance de Charlieu, 2005-2007, 3 vol., 84, 204 et 164 p., ISBN 2 9501095 1-9/2-7/3-8.

La petite cité de Charlieu, au nord de Roanne, a connu trois sociétés politiques successives entre 1791 et 1795. C’est tout d’abord une « Société populaire des Amis de la Constitution » qui est créée au tout début de janvier 1791. Affiliée à son homonyme de Lyon, cette société rassemble avant tout les notables locaux. Elle cesse ses activités en juillet 1791, la dernière séance datant du 10 de ce mois, soit avant la scission Jacobins/Feuillants à Paris. Une seconde société naît le 30 septembre 1792, quelques jours après la fondation de la République. Elle prend le nom de « Société populaire des Amis de la Liberté et de l’Égalité ». Guère plus active que la précédente, elle cesse de se réunir après une dernière séance le 14 avril 1793. La troisième apparaît quelques mois plus tard, dans le contexte de la crise « fédéraliste ». À l’initiative de la municipalité et du comité de surveillance de Charlieu, elle se réunit pour la première fois le 30 août 1793 et prend le nom de « Société populaire et républicaine ». C’est elle qui est destinée à faire de Charlieu – dont le nom est de façon éphémère transformé en « Chalier » – une « cité républicaine modèle ». Elle cesse ses activités le 27 frimaire an III (17 décembre 1794).

Trois volumes successifs livrent au lecteur les procès-verbaux de séance de ces sociétés. La troisième se taille évidemment la part du lion. Les procès-verbaux de la première représentent une vingtaine de pages, ceux de la seconde une dizaine, mais ceux de la troisième et dernière couvrent quelque 330 pages, réparties entre les trois volumes (dont bien sûr la totalité des volumes 2 et 3). Chacun de ceux-ci est accompagné d’une brève préface de Paul Chopelin, comprend un index utile aux chercheurs et une table des matières qui fait apparaître séance par séance les principaux thèmes abordés. Quelques notes infra-paginales offrent des précisions çà et là, mais elles sont peu nombreuses. C’est donc le souci de livrer un document presque à l’état brut qui semble avoir ici prévalu. On pourra toujours regretter pareil choix, mais en tout cas il se respecte.

Véritable plongée dans la vie politique locale et dans la façon dont les grands enjeux du moment sont ressentis par les citoyens à l’échelle de la commune, ces trois volumes permettent par exemple d’évoquer les règlements de ces sociétés, le croisement des commissaires en tout genre (ceux de la société, les représentants du peuple en mission, les commissaires envoyés par le Comité de sûreté générale, etc.), les liens avec les autres sociétés et avec Paris, les manifestations de civisme, les fêtes, le culte de la Raison où sont stigmatisés les « arlequins vêtus de noir » (sic !), les dons et secours, l’obsession des subsistances, les échos des grands événements nationaux (ainsi le 9 thermidor)… Il s’agit là d’un document parfois passionnant, avec des exemples qui pourront être comparés à d’autres départements et communes. Le « règlement des sans-culottes de la Société populaire de la commune de Charlieu », adopté le 15 nivôse an II (vol. 2, p. 19-24), est ainsi un bel exemple, à comparer également avec le règlement de la première société de cette commune en janvier 1791 (vol. 1, p. 7-11). Certains cas individuels méritent aussi l’attention, comme celui du don du « cavalier jacobin », le citoyen Deschézeaux équipé et monté grâce à l’effort de la société populaire, puis envoyé à l’armée d’Italie. Celui aussi de la « juste réclamation de Claudine Chabreuil ». Son mari, canonnier dans la marine, est mort à Toulon le 3 février 1792 ; son fils, volontaire national, est mort à Douai un an plus tard : « Ils sont morts pour la patrie, elle est à jamais privée de leurs embrassements, de leurs soins et de leurs services, que sa pauvreté lui rendait nécessaire. Une perte aussi cruelle sera-t-elle sans aucune indemnité ? » (vol. 3, p. 40-41). Enfin, notons que, ainsi occupés au « bonheur » de leurs semblables, les membres les plus assidus aux séances de la société populaire ne plaisantent guère avec ceux qui pratiquent un peu trop l’absentéisme : « Je vois avec douleur l’insouciance de partie des membres de notre Société. Elle est vaste. Ils se rendent plutôt aux jeux et à leurs plaisirs qu’à nos séances. Je demande qu’il soit nommé deux commissaires pour visiter les lieux publics, [ils] prendront note des sociétaires qui y sont afin de les censurer au procès-verbal » (vol. 3, p. 95). On peut sourire de cela, mais il convient aussi de se souvenir que, à l’automne 1794, le nouveau cours politique allait faire disparaître de ces réunions citoyennes tant les assidus que les absentéistes…

Michel Biard, « Paul Chopelin (éd.), Sources et documents pour l’histoire du pays de Charlieu. Les registres de délibérations des sociétés politiques de Charlieu (1791-1795) », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 355 | janvier-mars 2009, mis en ligne le 01 décembre 2009, consulté le 10 juillet 2016. URL : http://ahrf.revues.org/10771

Page créée le 10/07/2016.
Dernière modification le 26/04/2020.


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